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Sans titre (installation)

Claire Espanel
    claireespanel@yahoo.fr
    33570 PUISSEGUIN
    site

Les dessins de Claire Espanel sont réalisés à la pierre noire sur de grandes feuilles de papier calque polyester. Elles sont libres, légèrement plombées à leur base, suspendues à distance du mur, réagissant au moindre souffle d’air ou au déplacement du spectateur. La matité diaphane du support leur confère de rares qualités tactiles et sensuelles. Elle incite à transgresser le noli me tangere, l’interdiction de toucher habituellement attachée aux œuvres plastiques en état de monstration.
     Ses compositions évoquent des créatures indéterminées flottant à la cime des arbres dans des sous-bois crépusculaires, des corps hybrides lévitant dans un espace à la lumière cristalline, la chute vertigineuse de carcasses démembrées, la rencontre de l’eau et de l’air également insondables, des crépuscules interminables… L’atmosphère doit évidemment au surréalisme dans son versant nocturne, mais on y trouve aussi des réminiscences lointaines d’œuvres de Kubin ou de Böcklin. On imagine des âmes hésitantes, en apesanteur, à la limite du chavirement, reflétant la perte de leur blancheur immaculée dans la noirceur de la surface dont elles émergent. Ce sentiment de précarité essentielle est accentué par les incertitudes du geste de l’artiste : longue succession de recouvrement et d’effacements rageurs, jusqu’à ce que le sujet surgisse, fragile, presque timide, comme par miracle. De ce long processus, il subsiste comme un tremblement, un frémissement ou un bruissement, celui d’un chuchotement confidentiel d’une confession à peine audible, de la reconnaissance d’une culpabilité pourtant inavouable… Tremblement des formes, du support laissé au gré des courants d’air, de la ligne contrariée par les griffures des effacements nerveux, mais aussi de la texture du noir simultanément affirmé dans sa présence palpable et incertain sur son substrat cristallin…
     La forêt est omniprésente dans les dessins de Claire Espanel. Les sous-bois sont, pour les psychanalystes, le symbole de la féminité, de son mystère, de la mère primitive, de sa nature sauvage et instinctive. Ils jouent le rôle d’un miroir révélateur de la nature profonde de la femme. Mais leur beauté peut être source d’oppression, d’étouffement de la personnalité. Ce sont là que se terrent les personnages des contes immémoriaux et des légendes enfantines : les animaux sauvages, les voleurs de grand chemin ou les ogres… Apaisement et frayeur… Renoncement et vitalité… Lucidité et inconscience… Instinct et raison…

LD