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Space Circle, installation vidéo

Christophe Dentin
    cdentin@free.fr
    75009 PARIS
    site

Christophe Dentin procède en collectant des fragments de films appartenant à la mémoire cinématographie collective, des origines à nos jours. Il les distancie en les recadrant, en altérant leur luminosité, leur contrastes, leurs couleurs, leur texture, leur grain. Il les assemble ensuite par séries de trois pour former des boucles de quelques minutes, répétées à l’infini. Les juxtapositions, avec leurs ruptures marquées de couleurs, d’ambiances et de formes, semblent échapper à toute logique narrative. Elles n’en sont pas moins fascinantes, quasiment subliminales, ouvrant large les portes de l’imagination chez le regardeur. Le dépaysement est complet.
Christophe Dentin, dans la descendance de Nam June Paik, qu’il admire, mais avec une très grande simplicité de moyens, propose une intégration de ses vidéos dans des constructions plastiques qu’il nomme sculptures numériques. Dans leur forme la plus simple, elles sont diffusées sur des écrans plasma intégrés dans des armatures en acier poli faisant office de cadres, rectangulaires, carrés ou circulaires, qui les enchâssent. Leur fini est méticuleux, froid et rigoureux, contrastant avec la chaleur douce et précieuse des vidéos qu’elles mettent en valeur. La solidité simple et durable du cadre, alternativement et simultanément étroite meurtrière, fenêtre ou trou de voyeur, relève le caractère éphémère et fuyant des images, rendant nécessaire, pour s’affirmer pleinement, l’indispensable présence d’un tiers, d’un observateur.
Mais que l’on ne se trompe pas. Christophe Dentin ne nous convie pas à la seule contemplation d’un bel objet aux indéniables qualités esthétiques. Pas plus à la découverte d’une installation ou d’une séduisante proposition in situ. Ses propositions tiennent de toutes ces techniques mais les récusent dans le même moment. Il s’agit de bien autre chose… L’artiste cherche avant tout un écho chez le spectateur. Si occupation de l’espace il y a, c’est surtout de celui, mental et imaginatif, à géométrie variable et changeante, du regardeur. Il est question d’apparitions et de disparitions, de spectres et de solidité, de mouvement et d’équilibre. Mais la temporalité n’est pas celle de notre monde. Elle est celle de la conscience humaine, faite de suspensions et de répétitions, de fixations et de cristallisations, d’oublis et de réminiscences, d’affectivité et de distanciation.
Les fragments de vidéos, mis bout à bout, ont quelque chose de dérangeant, tant dans le retour cyclique des séquences que dans leur indétermination permanente. Le spectateur a tout juste le temps d’échafauder une hypothèse sur les images qu’il décrypte que le fragment suivant s’enchaîne. Il lui faut attendre son retour, deux minutes plus tard, pour reprendre ses conjectures. Mais c’est une reprise à zéro car les deux sections intermédiaires ont ajouté à son indécision et élargi le spectre des possibles. Il en résulte une sorte d’addiction quasiment hypnotique, dans laquelle le possible devient progressivement nécessaire. L’attention du regardeur subit une tension, à la limite de l’irritation, un malaise devant l’insaisissable près d’être agrippé et qui s’enfuit.

LD